Guillemette LIENHART, Doctorante, Odontologiste, RESHAPE
Prévention des caries chez les enfants : Quels facteurs influencent son implémentation par les professionnels de santé?
Pour l’enfant, la prise en charge en soins primaire commence dès les premières semaines de vie auprès du médecin généraliste ou du pédiatre qui assurent ensuite régulièrement le suivi médical et délivrent idéalement aux parents les informations requises. Le chirurgien-dentiste se révèle rapidement être un autre acteur majeur des soins primaires chez l’enfant avec d’une part le début du suivi M’Tdents à l’âge de 3 ans et d’autre part l’accueil des patients porteurs de Carie Précoce de l’Enfant (CPE). Affectant 40% des enfants de moins de 6 ans en France, la CPE représente la maladie non transmissible la plus prévalente dans l’enfance. Elle constitue ainsi une problématique du quotidien tant pour les chirurgiens-dentistes que les médecins généralistes et les pédiatres.
Pourtant, bien que les mesures de prévention soient aujourd’hui perçues comme une composante essentielle de la prise en charge de la maladie carieuse, les professionnels de santé déclarent y consacrer peu de temps. Les raisons classiquement invoquées sont le manque de temps (charge de travail), le manque de formation ainsi que le manque de reconnaissance financière. Cela n’explique toutefois pas tout.
Pour mieux comprendre les facteurs expliquant le décalage existant entre l'importance théorique accordée à la prévention carieuse et la place mineure qu’elle occupe dans la pratique quotidienne des professionnels de santé, nous avons mis en place une revue systématique de la littérature. Cette revue avait pour objectif d’identifier et classifier les facteurs perçus par les professionnels de santé comme étant des freins ou des leviers à la prévention carieuse de l’enfant. Au-delà du manque de temps et de reconnaissance financière, les résultats de ce travail mettent en évidence des freins nombreux et systémiques touchant tous les niveaux de notre système de soins ; de nos politiques publiques jusqu’aux représentations des professionnels de santé.
De manière plus spécifique, les représentations des professionnels de santé constituent un sujet particulièrement intéressant. En effet, pour d’autres problématiques de santé, tel que l’obésité, il a été démontré que la perception du patient et de sa maladie par le professionnel de santé pouvait constituer un facteur influençant négativement la qualité de prise en charge. Plusieurs études ont ainsi révélé que les stéréotypes négatifs dont faisaient l’objet les patients obèses ou en surpoids, pouvaient être à l’origine de comportements discriminatoires tels que des consultations plus courtes, une communication moins positive et une approche moins centrée sur le patient.
Bien que peu documentée, on trouve dans la littérature quelques indices d’une stigmatisation liée à la santé bucco-dentaire des patients. Par exemple, une étude exploratoire a récemment montré que les enfants polycariés étaient perçus comme moins attrayants, moins agréables et moins calmes que les enfants sans caries. De nouvelles informations sont aujourd’hui nécessaires pour identifier et comprendre les opinions des professionnels de santé vis-à-vis des enfants porteurs de CPE et leurs conséquences possibles sur la qualité des soins dispensés. Pour cette raison, nous avons mis au point un protocole pour la mise en place d’une étude qualitative. Cette étude aura pour objectif d’interroger les chirurgiens-dentistes, médecins généralistes et pédiatres sur leurs perceptions et attitudes à l’égard des patients porteurs de CPE et leurs parents.
